Qu’est-ce que le plaisir ?

Femme sur une balançoire

J’inaugure mon blog par ce premier article. 

Et le thème est évidemment central dans mon énoncé: « Donner du sens au plaisir, donner du plaisir au sens.» 

Je souhaite à la fois contextualiser et définir ce terme de plaisir pris dans le concept de sens, et expliquer comment le plaisir peut devenir une force de stabilité intérieure.

Le sens n’est pas quelque chose de figé et d’ailleurs il émerge naturellement dans les séances de coaching, car il trace une trajectoire, un mouvement entre un état présent et un état désiré. 

Il procède avant tout d’une transformation qui ne peut advenir sans un ancrage dans ce qui nous dépasse, dans ce que l’on appelle l’extériorité

Ce terme, emprunté à la philosophie, renvoie à tout ce qui est extérieur à un système ou à un référentiel donné. Questionner le travail uniquement dans le cadre du travail, par exemple, ne suffit pas à en révéler le sens. Personne ne travaille pour travailler : on travaille pour subvenir à ses besoins, pour tisser des liens, pour occuper une place dans la société, ou encore pour se réaliser. Le sens d’un système – qu’il s’agisse du travail, d’une relation ou d’un projet – réside toujours dans ce qui le dépasse.

Pourtant, créer du sens ne se réduit pas à une équation intellectuelle ou sociale. On ne fait pas advenir du sensé en faisant l’économie du sensible – c’est-à-dire sans s’enraciner dans le réel, les émotions, les affects et les expériences concrètes. 

Le sens se tisse dans l’expérience, même s’il peut s’éclairer par des démarches rationnelles, collectives ou spirituelles. Il naît de ce va-et-vient constant entre l’extérieur (le monde, les autres, les systèmes) et l’intérieur (nos valeurs, nos désirs, nos ressentis).

Ainsi, la création de sens est une démarche double : elle interroge au-dehors, pour comprendre les enjeux qui transcendent l’individu, et au-dedans, pour ancrer ces enjeux dans le vécu.

Dans ce « au-dedans » se déploie toute une architecture faite de perceptions, de représentations, de concepts et d’affects. 

Elle peut être interrogée de façon spontanée, intuitive ou raisonnée. La douleur, la peur, la frustration, le plaisir y trouvent leur place – mais c’est du plaisir dont j’ai envie de parler ici.

Le plaisir, en neurosciences, est un mécanisme biochimique complexe impliquant des neurotransmetteurs (dopamine, endorphines, etc.) et des circuits cérébraux (noyau accumbens, cortex préfrontal). 

Il sert à motiver, récompenser et renforcer les comportements favorables à la survie et au bien-être.

Le plaisir est souvent associé au bien-être ou au bonheur, même s’il n’en est ni l’expression ni la preuve. Et c’est important de faire une distinction ici.

Le bonheur est souvent érigé en valeur cardinale ou horizon souhaitable au sein de sociétés libérales. Ce n’est pas pour autant qu’il doit, à lui-seul, être le moteur de notre existence. D’ailleurs, nombre de philosophes et de sociologues émettent des critiques peut-être moins à l’endroit du bonheur que des injonctions qui y sont liées et de son industrie – sans rentrer dans les détails du sujet, ce sera probablement abordé dans un autre article.

Si le bonheur est institué comme une affaire privée – à chacun de le définir et d’y accéder – il n’en demeure pas moins qu’il suppose un horizon commun, une promesse sociale, voire politique. 

Le plaisir, lui, est une expérience spontanée, singulière, subjective, instable, irrationnelle, anarchique, sans promesse ni mesure. Il crée une réalité en se produisant : une transformation immédiate de l’être, du rapport à soi, à l’autre et parfois à notre manière d’habiter le monde.

Sans rentrer dans des considérations philosophiques – l’hédonisme, l’épicurisme, la phénoménologie, l’utilitarisme, l’existentialisme ou encore le bouddhisme – la portée du plaisir lié au sens dans un contexte de coaching est très concrète : elle permet de concevoir le plaisir non pas comme un objectif mais comme un acte de présence à soi.

Parce que nous n’éprouvons plus de plaisir, parce nous le mettons à distance, parce que nous ne savons plus très bien de quoi il se nourrit, se crée de façon assez insidieuse un vide de sens. 

Les valeurs et le sens émergent du vécu. En prenant le temps de se connecter à soi, d’explorer ses expériences et d’en dégager les apprentissages, on peut construire une trajectoire alignée et porteuse de sens. 

Le plaisir constitue alors une boussole dans cette exploration sans qu’il en soit pourtant le moteur. Réinvestir le plaisir devient alors un acte d’incarnation : réapprendre à sentir avant de juger, expérimenter avant de rationaliser, accueillir avant de planifier. « Reviens simplement en toi », et c’est bien, le plaisir peut être ce mouvement.